cours/La chanson du mal aimé.md
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up:: [[poésies]]
author:: [[Guillaume Apollinaire]]
#s/autres
Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux
Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maison
Onde ouverte de la mer rouge
Lui les Hébreux, moi Pharaon
Que tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d'Egypte
Sa sœur épouse, son armée
Si tu n'est pas l'amour unique
Au détour d'une rue brûlant
De tous les feux de ses façades
Plaie du brouillard sanguinolent
Où se lamentaient les façades
Une femme lui ressemblant
C'était son regard d'inhumaine
La cicatrice à son cou nu
Sortie saoule d'une taverne
Au moment où je reconnus
La fausseté de l'amour même
Regret sur quoi l'enfer se fonde
Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes vœux
Pour son baiser les rois du monde
Seraient morts les pauvres fameux
Pour elle eussent vendu leur ombre
J'ai hiverné dans mon passé
Revienne le soleil de pâques
Pour chauffer un coeur plus glacé
Que les quarante de sébaste
Moins que ma vie martyrisés
Mon beau navire, ô ma mémoire
Avons nous assez navigué ?
Dans une onde mauvaise à boire
Avons nous assez divagué
De la belle aube au triste soir ?
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai connu
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus
Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses ?
Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthère
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amère
Qui a rebuté nos destins
Ses regards laissaient une traine
D'étoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirènes
Et nos baisers mordus, sanglants
Faisaient pleurer nos fées maraines
Mais en vérité je l'attends
Avec mon cœur, avec mon âme
Et sur le pond des reviens-en
Si jamais reviens cette femme
Je lui dirai Je suis content
Mon cœur et ma tête se vident
Tout le ciel s'écoule par eux
Ô mes tonneaux des Danaides
Comment faire pour être heureux
Comme une petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
Ô marguerite exfoliée
Mon île au loin, ma désirade
Ma rose, mon giroflier
Les satyres et les pyraustes
Les égypans, les feux follets
Les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à calais
Sur ma douleur, quel holocauste
Douleur qui double les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertains
Te fuient ô bûcher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pale aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont ils parés
Tes victimes en robe noire
Ont elles vainement pleuré
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
Ô mon ombre ô mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai mené souviens t'en bien
Ténébreuse épouse que j'aime
Tu est à moi en étant rien
Ô mon ombre en deuil de moi même
Et moi j'ai le cœur aussi gros
Qu'un cul de dame damascène
Mon amour je t'ai trop aimé
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau
Sept épées de mélancolie
Sans morfil ô claire douleur
Sont dans mon cœur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez vous que j'oublie