cours/Déterminisme, petits cartésiens, charge de scandale de Spinoza.md
2025-05-26 19:30:34 +02:00

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Mes chers contemporains - L'économiste (Frédéric Lordon)
2025-05-26
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[!cite] $= [dv.current().author, dv.current().source].filter((s)=>s!=null && (s+"").length>1).join(" — ") moi, je ne crois pas trop au libre arbitre. Je sais que parfois on a à faire des choix mais que la plupart du temps, > on agit selon nos envies, nos passions. Je sais que je peux agir comme ceci ou comme cela selon mon bon vouloir, mais je sais aussi que je suis que je peux pas décider de ce que je vais vouloir. Pour être heureux, moi jaimerais bien avoir dautres désirs. Si mon désir cétait de travailler à Dominos Pizza, je serais super-heureux parce que dans notre monde, ça, cest facile ! Il y a des trucs contre lesquels notre volonté na aucune influence, je ne peux pas me réveiller un matin et décider de me mettre à aimer Michel Sardou. Jaimerai bien, mais ce serait aller contre tout ce que je suis. Or, ce que je suis, si je prends un peu de hauteur, je me dis que cest le produit dun parcours particulier, qui ma façonné, et que jaurais du mal à me façonner dans lautre sens par la seule force de ma volonté. Jamais je ne chanterai du Sardou en travaillant à Dominos Pizza parce que rien, dans mes désirs, ne my pousse. « — Quand je pense à mes faits et gestes, je me vis comme cartésien et non pas comme spinoziste. Spontanément, je veux dire. Cest quand je me reprends par après, que je me dis “voilà, je peux reconstituer ce qui ma déterminé à faire ceci ou cela”. » Voilà un petit schéma. [Affiché en vidéo] En gros, pour prendre une décision, cest comme ça quon procède. On évalue une situation et on suit notre désir le plus fort. Ce peut être le désir ce poursuivre un bien ou celui déviter un mal. Alors on peut réfréner certains désirs, mais cest donc quon a un autre désir, celui déviter le mal que pourrait engendrer la poursuite de notre désir original. Et sil y a bien une chose sur laquelle on na aucun pouvoir, cest bien sur la production de ces désirs. Ces désirs sont par lextérieur. Le désir, cest toujours : le désir « de » quelque chose. « — Spinoza prend à rebrousse-poil parmi nos habitudes de pensé les plus invétérées et en particulier, celles que nous avons tous, qui consistent à nous croire libres darbitre, souverains dans nos décisions, autonomes de volonté etc. » « — Le fameux “Cest mon choix” ! » « — Et ça, si vous voulez, nous sommes tous des petits cartésiens à létat pratique. » Cest quoi, un « petit cartésien » ? Cest quelquun qui postule, comme Descartes, la liberté du sujet, qui pense que lesprit commande au corps et que la conscience librement effectue des choix en usant de la raison. Des sciences existent, qui peuvent nous permettre dexpliquer doù nous viennent les choses que lon a dans la tête, comment se construisent ces désirs et ces peurs qui nous poussent à agir de telle ou telle façon. Des sciences dures, comme les neurosciences qui font le pont entre notre état biologique, les structures de notre cerveau et nos actions ; et les sciences humaines comme lhistoire ou la sociologie qui mettent à jour les structures que les peuples ont construites au fil de siècles pour organiser la vie en société. LÉtat, la religion, le patriarcat, le travail ou la famille sont autant de structures vont nous déterminer profondément, que nous désirs nous poussent à nous construire avec ou contre elles, cest toujours par rapport à elles que nous allons nous situer, souvent sans en avoir tout à fait conscience. « — Il y a une charge de scandale intellectuel dans la philosophie de Spinoza qui est énorme et je me souviens dune amie qui mavait dit une fois : “Cest vrai que ça suppose une conversion intellectuelle” et cest exactement le mot. » Si ce sont les structures qui agissent par nous et sur nous, alors que reste-t-il du sujet, de la responsabilité ? Elle est là la charge de scandale. ^cite

Interprétation