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2024-12-26 16:09:08 +01:00

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t/clippings

Le management, du nazisme à la mondialisation, ou lart de produire le consentement et lillusion dautonomie chez des sujets aliénés. Sil ne dresse pas un réquisitoire contre le management et sil ne dit pas non plus quil sagit dune invention du IIIe Reich, Johann Chapoutot, notre invité, souligne une continuité entre les techniques dorganisation du régime nazi et celles que lon retrouve aujourdhui au sein de lentreprise, en atteste la condamnation récente de lentreprise France Télécom et de ses trois ex-dirigeants pour "harcèlement moral institutionnel".

Professeur dhistoire contemporaine à lUniversité Paris-Sorbonne, et après sêtre intéressé au régime nazi dans des ouvrages comme Histoire de lAllemagne (de 1806 à nos jours), paru aux PUF (Que sais-je) en 2014 ou La Révolution culturelle nazie (Gallimard, 2016), il revient avec Libres d'obéir : le management, du nazisme à la RFA (Gallimard, 2020), où il sintéresse en particulier aux méthodes de la Menschenführung, qui traduit et germanise le terme américain de management.

Une organisation optimale de la force du travail

Car, montre-t-il, lAllemagne du IIIème Reich est le lieu dune économie complexe où des ingénieurs, juristes, intellectuels  formés par les universités de la république de Weimar et courtisés par les nazis réfléchissent à lorganisation optimale de la force du travail. Le IIIe Reich devient ainsi un moment "matrice" (p.16) de la théorie et de la pratique du management pour laprès-guerre. 

Il faut penser la transformation de ladministration, car en matière économique, il faut produire dans des quantités inédites et inouïes dans lhistoire allemande. (Johann Chapoutot)

Après 1945, les historiens prennent ainsi conscience que le crime de masse a été une industrie basée sur des méthodes dorganisation et de logistique ayant rendu possible une série de crimes que lon attribuerait plutôt à la barbarie. Cest là la preuve de la contemporanéité du nazisme, ces crimes traduisant des projets politiques et économiques rationnels décidés par des technocrates ou des managers.

Les nazis ont très bien compris que pour produire dans des quantités inédites dans lhistoire, il fallait motiver le « matériau humain » ; que lon appelle aujourdhui la "ressource humaine", le facteur de production qui était le facteur travail. (Johann Chapoutot)

Surtout, Johann Chapoutot souligne un paradoxe : une conception du travail non autoritaire mis en place par un régime illibéral, où employé et ouvrier consentent à leur sort dans un espace de liberté et dautonomie construits autour de limaginaire de la "liberté germanique", un vieux topos entretenu par le Reich pour justifier ce fonctionnement et cette organisation du travail "par la joie" (durch freude). Animés par des politiques sociales et un fonctionnement d'entreprise favorisant le plaisir et le loisir, "lheure, nous dit Johann Chapoutot, nest pas encore aux baby-foot, aux cours de yoga ni aux _Chief Happiness Officers__, mais le principe et lesprit sont bien les mêmes"_ (p.74) - les travailleurs obéissent à la Führung, une forme de pouvoir qui leur dicte les fins à atteindre mais qui reporte sur eux la responsabilité des moyens, car il ny a que dans la manière de remplir ces objectifs quils sont libres dagir.  Des méthodes pensées et prônées par des intellectuels, hauts fonctionnaires et administrateurs soucieux de mener le pays vers la prospérité en enjoignant de faire plus par la souplesse desprit, la rapidité dexécution et la flexibilité.

Les managers nazis reprochent aux Français dêtre trop centralisateurs et trop autoritaires. Cest pour ça quils opposent à ladministration à la française, centralisatrice, verticale et hiérarchique(…) le management à lAllemande, qui, de manière assez contre intuitive pour nous, est libéral. (Johann Chapoutot)

Lidée des Nazis est que lEtat doit être pulvérisé. Dès 1933, ils détruisent lEtat. (Johann Chapoutot)

Une modernité devenue folle

Parmi ces intellectuels, hauts fonctionnaires et administrateurs, Reinhard Höhn, auquel Johann Chapoutot consacre une grande partie de son essai : ayant échappé aux purges de la dénazification après 1945, ce cadre prometteur du IIIe Reich, protégé dHimmler, devient directeur de lAcadémie des cadres (Akademie für Führungskräfte) fondée en 1956 dans la ville de Bad Harzburg (Basse-Saxe), académie où il enseigne les techniques de management appliquées par le régime nazi aux côtés dautres anciens membres SS. Sy forment tant le gratin du "miracle économique", cadres de Aldi ou de Opel en passant par Hewlett-Packard et BMW, que ceux de larmée nationale de la République fédérale dAllemagne, la Bundeswehr. Car les stratégies managériales de larmée sont, encore une fois, très proches de celles de lentreprise. 

En outre, à lheure du virtuel et dune croissance tournée vers la production mondiale effrénée, où le travail, entre burn out et bullshit jobs, semble ne plus avoir de sens, Johann Chapoutot montre que les nazis apparaissent finalement comme limage déformée dune modernité devenue folle, traitant des personnes comme de simples facteurs de production sous des apparences de bien-être et de bienveillance au travail.

Extraits sonores : 

  • "Emmanuel Macron : les méthodes du "manager" de l'Élysée" - France 2 - 29/04/2018
  • "Happiness manager", France 3 Bretagne - 11/06/2018
  • "Le management de la terreur" - France Télécom, Le Monde - 2009

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